Pour les raisons citées ci-dessus, les mesures prises en vue d’améliorer la situation du grand retable haut sont à mes yeux illusoires. Le travail de ‘surveillance’ qui doit s’étaler sur deux années au moins est théorique, voire impossible. Le restaurateur restera le plus souvent seul avec son scalpel derrière son microscope. Les restaurateurs qui ont enlevé la prairie haute de l’Adoration ne peuvent pas continuer à travailler à l’Agneau Mystique.
Comme on l’a vu, bien plus que le château ‘Cortewalle’ a disparu. Lorsqu’en mai 2023 j’ai alerté la Fabrique d’église de la cathédrale Saint-Bavon de Gand, celle-ci a alerté immédiatement à son tour la Vlaamse Overheid. Dès le lendemain de ma visite à Gand, j’étais invitée à me rendre à Bruxelles. La Vlaamse Overheid m’a chargée d’écrire un rapport en juin 2023. Mon rapport a été communiqué aux restaurateurs qui ont rédigé une réplique. On l’a déjà évoqué: une réunion a été organisée par les autorités flamandes le 30 août 2023. Y participaient des représentants de la Fabrique d’Église, de la Vlaamse Overheid, du Topstukkenraad, du Fonds Baillet-Latour, et les restaurateurs de l’IRPA pour la phase 2. J’ai été invitée à exposer mes observations critiques et les restaurateurs ont exposé leur point de vue. Après quoi, un politicien m’a demandé si nous pouvions « tourner la page » et passer sereinement à la phase 3 de la restauration. J’ai répondu que l’omertà n’était pas une option. (Il existe un compte-rendu de cette réunion).
Une réunion du comité national s’est déroulée peu après, le 5 septembre. La responsable de la phase 3 (celle-là même qui avait dirigé la phase 2), a exposé la progression du dévernissage du retable haut. Une plus grande surveillance a été annoncée. Ce n’est pas en mettant en place une garde rapprochée autour d’un mauvais chirurgien que ses opérations seront mieux effectuées. Une réunion du comité international a eu lieu le 20 septembre. Je n’ai pas eu d’échos de cette réunion.
A ce stade, pas de réponse aux questions : va-t-on faire un faire un examen préalable? Établir des schémas sur lesquels les présumés ‘surpeints’ sont précisés ? L’examen préalable ne semble pas être au programme, puisque d’emblée les restaurateurs de la phase 3 demandent l’autorisation de gratter des ‘fenêtres’ (petites zones où on gratte pour voir ce qu’il y a en dessous). Personnellement, je n’en saurai pas plus en tant que voix dissidente. Y aura-t-il concertation ? Comment entamer une discussion utile avec les comités ? Faut-il enlever un surpeint bien exécuté pour le remplacer par un moins bien exécuté ? Les restaurateurs continuent à décider de la marche à suivre.
Quelques experts participent aux deux comités. Pendant ces réunions, les restaurateurs donnent des explications animées d’un Powerpoint sur la progression de la restauration. Suit une visite à l’atelier. Il faut comprendre qu’aucun expert ne peut dans ces conditions donner un avis approfondi. L’examen d’un retable aussi complexe nécessite des mois de travail, avec en main les documents nécessaires. Ici, les experts doivent se contenter de donner des directives générales, ou répondre à des demandes précises qui leur sont adressées par les restaurateurs. Aucune demande précise n’a été adressée au comité national pendant la restauration phase 2.
Estimant que les décisions des autorités ne garantissent pas la sécurité de l’Agneau Mystique, Jean-Pierre Coppens et moi-même avons organisé une conférence de presse à Gand le 20 décembre 2023 pour alerter le public sur le problème.