Où est passé le château ‘Cortewalle’ ?
Dès 2020, Dirk Huyghe, ancien coordinateur de la rédaction graphique du journal De Standaard, avait alerté diverses personnes et interrogé les restaurateurs de l’IRPA au sujet de la disparition d’un château, probablement le château ‘Cortewalle’ au Pays de Waas (Beveren), jadis la demeure des donateurs du retable Joos Vijd et Isabelle Borluut.
Fig.: avant restauration: le château sur la prairie lointaine. La couleur bleue devait suggérer les lointains. (Ici le détail est encore recouvert de vernis jaunis, ce qui lui donne un aspect un peu verdâtre, mais sans le vernis jauni, le bleu est très affirmé). Au milieu, pendant r.: la surface a été grattée au scalpel. Les points blancs sont des dégâts occasionnés par un scalpel. Les montagnes sont différentes. A droite, après r.: la prairie est désormais verte et très retouchée.
Les restaurateurs expliquent (Steyaert et al., 2021, p. 25): “Et la maison peinte dans le paysage en haut à gauche [Cortewalle] a également été enlevée pour restaurer la cohérence et la luminosité du paysage original. » [“…and the house painted in the left upper landscape, below the palm tree. These elements were also removed in order to restore the coherence and the luminosity of the original landscape.”]
Fig.: le château ‘Cortewalle’ aujourd’hui - Beveren, Land van Waas
Fig.: après restauration. Détail de la fig. précédente avec les arbustes informes, retouchés par les restaurateurs.
Le ciel, la prairie, les arbres et les arbustes
Le ciel a été abondamment restauré. Comme pour le reste de la partie haute, la couche superficielle a été grattée au scalpel. Il sera désormais très difficile d’y voir clair, dans les rayons par exemple.
Fig.: haut : les restaurateurs découvrent des différences de qualité dans les visages: à gauche: des visages médiocres qu’ils attribuent à Hubert. A droite: les beaux visages peints par Jan.
Bas : détail de la double prairie. La prairie d’en-dessous est visible au centre de l’image. En 1950-51 Albert Philippot avait ‘travaillé’ à cet endroit et vu qu’il y avait une prairie sous-jacente. Par ailleurs, des historiens de l’art avaient dans le passé constaté qu’il y avait de l’herbe sous la fontaine. Ces éléments auraient dû alerter les restaurateurs sur la participation d’Hubert dans ce panneau
Les prairies vallonnées, traversées d’un sentier, les arbres et buissons à feuillage dense et détaillé tellement typiques de Jan Van Eyck, ont été grattés au scalpel, pour laisser place à une couche endommagée et à des formes squelettiques qui ont dû être très retouchées.
Fig.: en haut : Coxcie a copié la version de la prairie ‘avant restauration’ (la prairie de Jan, image au centre). En bas : la prairie après grattage au scalpel et retouches est devenue plate et vide. L’ancien sentier est remplacé par un petit chemin blanc en majeure partie ajouté par les restaurateurs.
Fig.: au-dessus : avant restauration. En-dessous : après rest. : toute la zone apparaît fort usée.
Fig.: même remarque. Avant rest.: les arbres sont touffus. Après rest.: ils sont squelettiques. Toute la zone est fortement retouchée par les restaurateurs. Nous verrons ces retouches plus en détails plus loin.
Fig.: à gauche : les arbustes avant restauration.
Au centre: pendant restauration. La couche en surface a été enlevée au scalpel. Les feuillages sont allégés.
A droite, après r.: la zone est retouchée.
Dans les deux documents suivants, nous allons nous rapprocher de l’arbre au centre, à l’avant-plan. Nous allons découvrir que les arbustes allégés et devenus ‘vaporeux’ sont presqu’entièrement repeints par les restaurateurs. Le second document ne présente plus de craquelures d’âge.
Fig.: haut : l’arbre est entièrement retouché. On ne voit presque plus de craquelure d’âge. Tout est peint par les restaurateurs. Bas : détail du même arbre, plus rapproché. Ici comme dans d’autres zones très surpeintes, on ne peut en général plus rien voir d’ancien sur le document ‘pendant’. Les documents ‘pendant’ et ‘après’ se ressemblent fort, càd que le document ‘pendant’ est un document qui a déjà été retouché, au moins partiellement. Et cela veut dire également que le scalpel n’a probablement rien ou presque rien trouvé sous la couche qu’il dégageait.
Fig.: avant-, pendant- et après… Avant (à gauche) : un arbre très typique du 15e s.
Pendant (au milieu): les restaurateurs l’ont gratté. Il reste une ruine. Les restaurateurs n’auraient pas dû le gratter.
Après restauration : même arbuste, avec les retouches. L’arbre ne ressemble plus à un arbre du 15e siècle.
(L’International Committee avait recommandé: “repaint will not be removed if it cannot be done safely without damage…”).
Fig.: haut : le même arbre que dans l’illustration précédente, vu de plus près, entièrement repeint par les restaurateurs… Bas : comparons avec un arbre authentique, de la main de Jan Van Eyck , dans un détail du volet avec les Chevaliers du Christ.
Autre comparaison entre la retouche actuelle, et la qualité de la peinture de Jan Van Eyck
Fig.: haut : zone presque entièrement repeinte par les restaurateurs. Le feuillage à droite est entièrement repeint. L’herbe est également l’œuvre des restaurateurs.
Bas: comparons avec un détail peint par Jan Van Eyck: un feuillage côté gauche de l’Adoration, au pied de la grande architecture . Observez la qualité incomparable du feuillage. Les deux documents sont à la même échelle.
On peut multiplier les exemples :
Fig.: haut : pratiquement toute cette zone est constituée de retouches : les arbres, le rayon à droite, le chemin blanc…. Tout est moderne et médiocre, c’est le travail des restaurateurs.
Bas : à titre de comparaison, un détail dans le volet des Pèlerins. Ce que le pinceau du grand Maître Jan fait d’un petit sentier bordé d’arbres
Ou encore ce détail-ci :
Fig.: haut : détail de la verdure au pied d’une tour. Pratiquement plus rien de cette surface n’est ancien. Tout est peint par les restaurateurs. Bas : détail du volet des Chevaliers du Christ : les arbustes peints par Jan Van Eyck sont denses et variés.
Autre détail :
Fig.: haut : détail au pied de la ‘tour d’Utrecht’. Toute la verdure, de même que les rayons sont peints par les restaurateurs. Centre : seul le coin supérieur gauche est ancien. Au pied des bâtiments il n’y a que des retouches modernes. Bas : détail des Chevaliers du Christ. Ici la végétation est originale, peinte par Jan Van Eyck.
Autre détail encore :
Fig.: haut: après restauration. Les feuillages et les fleurs sont peintes par les restaurateurs. Bas : un détail ailleurs dans l’Adoration où la végétation est peinte par Jan Van Eyck.
Détail de l’herbe :
Fig.: haut: l’herbe, les buissons dans le bas et le rayon à droite : le tout est presqu’entièrement peint par les restaurateurs. Bas: détail de l’herbe peinte par Jan Van Eyck. Seul le rayon dans le coin inférieur droit est peint en petits pointillés par les restaurateurs
L’architecture
A part les deux ensembles architecturaux qu’on peut voir dans l’illustration qui suit, la surface de la plupart des autres bâtiments a été grattée au scalpel au cours de cette restauration. De manière générale on voit que la couche qui est mise à nu, comporte de plus nombreux bâtiments. Ils sont généralement de couleurs vives et leurs fenêtres sont stéréotypées. L’enlèvement du ‘surpeint’ met à jour une nouvelle architecture très différente. Cinq nouveaux bâtiments font surface. La plupart sont très endommagés et vont nécessiter une ‘reconstruction’. En particulier certaines tours semblent avoir été endommagées par un grattage intentionnel, cette fois-ci à une époque ancienne, au profit d’une nouvelle configuration de l’horizon (celle du ‘surpeint’ disparu). Autre particularité, avant restauration, un camaïeu de bleu, de gris et de parme couvrait les bâtiments qui étaient en recul, et les camaïeux procuraient de la profondeur aux bâtiments. Ces camaïeux ont été enlevés par les restauratrices de la phase 2. Avant restauration de fins fenestrages étaient peints dans les grandes ouvertures : ces fenestrages ont été enlevés également.
On pourrait tenter l’explication suivante. La première version de l’architecture (celle d’Hubert ?) était colorée, archaïque et peuplée de nombreuses tours. Les fenêtres étaient rectangulaires, simples et stéréotypées. Est venu un second stade (celui de Jan ? celui qu’on vient d’enlever ?). Plusieurs tours archaïques sont surpeintes. Les couleurs vives sont volontairement nuancées de fins camaïeux bleu gris et parme pour les architectures lointaines. Le château ‘Cortewalle’ est ajouté sur une prairie bleutée, sans version colorée en dessous. Bleutée également : la chapelle mais celle-ci recouvre un dégât . Pas de version colorée sous cette chapelle. Elle est néanmoins antérieure à Coxcie, donc très ancienne. Les restaurateurs l’enlèveront pour mettre là une rivière. Nous y reviendrons.
Fig.: deux détails sont considérés par les restaurateurs comme ‘non surpeints’ et les restaurateurs n’y ont pas touché. Le bâtiment à gauche semble plus raffiné que celui à droite ; il est possible que ces bâtiments soient d’Hubert, avec des corrections et détails ajoutés par Jan pour l’ensemble à gauche. Toutes les surfaces picturales des autres architectures ont été grattées au scalpel pour mettre à nu la couche sous-jacente. Ce qui a disparu est souvent un surpeint bleu comportant des modernisations architecturales et un camaïeu dans les tons bleus, gris ou parme qui visant à évoquer des lointains.
Fig.: en haut à gauche: de fins fenestrages gothiques ornent les hautes fenêtres et le portail d’une église. Au milieu et à droite : les fins détails ont été enlevés. Pourquoi les avoir grattés? De nombreux rayons (émanant de la colombe) ont disparu également.
En bas à gauche: ici également de fins fenestrages gothiques ornaient les grandes baies avant restauration . En bas à droite : après restauration le dégât est important. Les fins détails ont disparu
Les détails qu’on a enlevés étaient d’une qualité comparable à ceux qui figurent ci-dessous, l’un dans la vue de la ville à gauche, dans l’Adoration et l’autre sur le volet de Chevaliers du Christ. Il n’y a pas de doute que c’est la finition de Jan qui a été enlevée.
Fig.: fins détails de la main de Jan Van Eyck, en haut : dans l’Adoration de l’Agneau, détail de la ville à gauche. Des pentimenti évoquent le travail de Jan (peut-être peints par Jan au-dessus d’un projet d’Hubert ?). En bas: fin détail du volet avec les Chevaliers du Christ peint par Jan. Il n’y a pas de doute que dans les images précédentes, c’est la finition de Jan qui a été enlevée au scalpel.
Fig.: à gauche, avant restauration : une partie de l’architecture était recouverte de couleur bleue. Le bleu servait à repousser certaines architectures vers les lointains pour créer de la profondeur. L’architecture mise à nu est très différente, vive en couleurs et archaïque. Au milieu: pendant r. : une tour a l’air d’avoir été ‘grattée’ volontairement avant d’être recouverte, à une époque ancienne. A droite : l’architecture est retouchée, et la tour reconstituée. La reconstitution est peu réussie et s’apparente à une hyper-restauration.
Fig.: une peinture conservée à Rotterdam représente une architecture vive en couleurs avec des fenêtres stéréotypées. A l’arrière-plan sont représentées des montagnes aux sommets enneigés. Le résultat est archaïque comparé au travail de Jan Van Eyck. Mais il se rapproche de l’architecture vive en couleurs que les restaurateurs ont dégagée (version d’Hubert ?).
Fig.: à g.: l’architecture est partiellement surpeinte en bleu (par Jan?) pour créer de la profondeur et des lointains. A droite: Coxcie copie la version avec les lointains bleutés. Au centre. : les restaurateurs ont enlevé la couche bleue pour retourner à la version colorée (d’Hubert ?).
Fig.: haut : les restaurateurs décrivent qu’ils ont enlevé un ‘camaïeu’ de bleu, gris et parme sur certains bâtiments. Cette décision fut prise à l’insu du comité national. Notons qu’au stade ‘bleuté’, les fenêtres hautes avaient été corrigées vers plus de réalisme. La correction avait probablement été réalisée par Jan. Bas : la tour dite ‘d’Utrecht’ était également recouverte d’un glacis bleu qui allait de pair avec des modifications dans les grandes ouvertures. Les restaurateurs estiment que la tour n’est pas un ajout de Jan Van Scorel, comme on l’a souvent pensé.
Fig.: au-dessus : le peintre (Jan?) de l’état avant restauration, qui avait rendu les lointains bleutés, avait également supprimé 5 bâtiments hauts en couleurs. Les restaurateurs qui retournent à la situation sous-jacente, se trouvent confrontés à certains bâtiments très usés, pour lesquels ils vont devoir faire une ‘reconstitution’.
Les saintes femmes
Les restaurateurs ont gratté la prairie. Tout ce qui se trouvait dessus a disparu en même temps. C’est l’effet ‘domino’. Une vingtaine de palmes ont été effacées. Mais les restaurateurs ont également effacé les chemises blanches des saintes femmes, et par ci par là, des décors sur leurs couronnes. Ces détails se trouvaient sur la copie de Coxcie.
Fig.: détail où les feuilles de palmier sont enlevées, et les arbres sont devenus très légers.
Fig.: après la restauration une vingtaine de palmes sont perdues. Des dégâts anciens sont visibles dans la couche mise à nu.
Fig.: Michel Coxcie (vignette) copie ici, comme ailleurs, l’état avant restauration, qui est probablement en majeure partie la finition de Jan sur le travail (inachevé ?) d’Hubert. On voit ici aussi qu’il y avait des réparations dans la couche sous-jacente (au milieu).
Fig.: autre détail où des feuilles de palmier ont disparu.
Fig.: les chemises blanches (dans le haut) ont également été grattées (dans le bas). Coxcie les avait pourtant copiées et si les restaurateurs avait examiné la copie de Coxcie, ils n’auraient pas éliminé les chemises. S’ils avaient demandé conseil au comités, ils n’auraient pas été autorisés à les enlever.
Fig.: même de petites décorations sur les couronnes ont été grattées. Mais sur d’autres couronnes, les restaurateurs les ont conservées. Pourquoi ? Ces décors existent pourtant sur la copie de Coxcie.
La nappe d’autel
La nappe reposait légèrement sur l’herbe de la prairie.
Ce débordement avait très certainement une valeur symbolique telle par exemple que ‘la grâce de l’Agneau s’étend sur la terre entière…’. Michel Coxcie avait soigneusement reproduit ce détail en 1557-58. Pour les restaurateurs du 21e siècle, la nappe devait être proprement raccourcie, et ne pas traîner sur l’herbe ! Opgeruimd staat netjes! [quand on range, c’est propret].
Fig.: à gauche : la nappe blanche, le long de l’autel, repose sur l’herbe. Pourquoi les restaurateurs ont-ils gratté ce détail ? Pourquoi ce détail les a-t-il dérangés? Coxcie avait reproduit fidèlement son modèle, il avait recourbé la nappe sur l’herbe.
Les nombreux grattages de détails ont une conséquence pour les études iconographiques. Les chercheurs qui étudient de longue date les frères Van Eyck, seront particulièrement affectés par les changements. Dans une œuvre de l’ampleur de l’Agneau Mystique à haut contenu religieux et symbolique, on s’attend à ce que les restaurateurs ne prennent aucune initiative en matière de grattage de détails qui leur déplairaient.
La métamorphose spectaculaire de l’Agneau…
…peut-être la plus grosse erreur des restaurateurs. Sans doute Hubert a-t-il peint la première version de l’Agneau, peu réaliste, avec les yeux et les oreilles maladroitement disposés. Jan Van Eyck a corrigé le travail de son frère et il réalise alors le bel Agneau que nous avons toujours connu, et que déjà en 1557, le peintre Coxcie avait copié.
Fig.: étant donné que les restaurateurs ont gratté au scalpel uniquement la tête de l’Agneau, il est fort possible que nous ayons désormais un ‘Agneau hybride’, avec la tête peinte par Hubert, sur le corps de l’Agneau tel que Jan l’avait ‘revu’. Le doute a peut-être assailli les restaurateurs après avoir gratté la tête de l’Agneau. Ils pensaient, comme l’indique leur schéma en rouge, que le corps de l’Agneau était également entièrement surpeint, mais ils n’ont malgré cela pas poursuivi le grattage. Ils auraient peut-être alors réalisé que dégager le corps de l’Agneau les mènerait trop loin. Bas: dans la macrophotographie à l’infrarouge on voit qu’une première version des yeux était dessinée à hauteur de oreilles.
Les hyper-restaurations
Les restaurateurs de la phase 2 n’ont pas reculé devant la pratique de l’hyper-restauration (une restauration allant trop loin, une invention, un emprunt à une autre peinture…non conforme à la déontologie de la profession de restaurateur). Dans la vallée lointaine au centre de la zone endommagée, ils remplacent une chapelle par une rivière. Cette chapelle était très ancienne puisqu’elle figure déjà sur la copie de Coxcie en 1557-58. Les dégâts sous la chapelle, révélés par la radiographie, impliquent que cette chapelle n’était - pas originale. Mais même si elle était une très ancienne réparation, et on ne pouvait pas l’enlever.
Fig.: les restaurateurs vont gratter toute cette zone bleue, y compris la chapelle, parce qu’elle se situait sur de dégâts comme on peut le voir sur la radiographie. Tout ce bleu ne convenait pas dans ‘leur’ paysage, désormais constitué de prairies vertes plutôt que de lointains bleutés. Les restaurateurs ont-ils envisagé avant de gratter ce qu’ils allaient mettre à la place de la chapelle? Eh bien oui…pourquoi pas une rivière serpentant entre des collines?Vignette: Coxcie a copié le fond bleuté et on y devine la présence de cette chapelle, même si le document dont nous disposons ne présente pas une définition aussi haute que les documents de closertovaneyck.
Fig.: pour les restaurateurs, c’était plus simple de tout gratter jusqu’au bois, mastiquer, et recomposer un paysage tout frais et neuf. Ils écrivent dans leur rapport (closertovaneyck, p. 38): « Derrière le clocher bleu de l’église, une partie des méandres d’une rivière était bien conservée»).
H.V. :vraiment? Où?
Fig.: et voilà …la vilaine rivière qui serpente entre de médiocres collines, en peinture toute fraîche. Même de nouveaux rayons ont été peints par-dessus ce nouveau paysage…tout ici est de la main des restaurateurs.
Fig.: et ensuite, toujours dans le rapport (closertovaneyck): p. 39: « La rivière a été légèrement prolongée sur la gauche au-delà de la grande lacune pour rétablir la continuité et la profondeur du paysage. Arbres et buissons ont été reconstruits sur base d’éléments comparables bien conservés ailleurs dans la peinture».
Toujours dans le rapport (closertovaneyck, p. 40): « Les couches originales de l’Adoration présentaient encore suffisamment d’informations pour permettre une reconstruction…Vu le bon état général des couches originales de l’Adoration, une approche minimaliste de la retouche dans cette zone n’aurait pas pu convenir ».
Fig.:HV : donc, les restaurateurs choisissent l’approche ‘maximaliste’. Et pourquoi pas une rivière laborieusement peinte??? Inspirée d’un modèle de l’époque eyckienne, une Crucifixion (ca.1436) conservée au Metropolitan Museum de New York (bas). Les restaurateurs se rendent ici coupables d’une ‘hyper-restauration’, en rupture avec la déontologie de leur profession. La rivière n’a rien à faire dans l’Adoration. Sa présence pourrait induire en erreur des historiens spécialistes de l’iconographie du retable.
On aurait dû conserver la très ancienne chapelle et on devra un jour enlever la très vilaine rivière.
On aurait dû conserver l’ancienne chapelle.
En résumé: les étapes de l’hyper-restauration
Michel Coxcie copie les lointains bleutés en 1557-1558. | |
Avant restauration: la chapelle, dans les lointains bleutés, existait donc déjà avant le milieu du 16e s |
|
La chapelle est une réparation sur |
|
Toute la zone est grattée jusqu’au bois. Le grattage fait apparaître deux bâtiments, dans le coin inférieur droit, qui existaient dans la couche sous-jacente (d’Hubert?) |
|
L’ hyper-restauration: une rivière serpente désormais entre des collines modernes tout à fait repeintes. Ce sujet s’inspire d’un détail d’une Crucifixion conservée au Metropolitan Museum de New York. |
Un autre exemple d’ hyper-restauration : l’église Notre-Dame de Bruges:
Fig.: en haut: quelques restes d’un clocher avec des fenêtres archaïques (en haut) ont inspiré la reconstitution de l’église Notre-Dame de Bruges. Selon le rapport des restaurateurs, la reconstruction s’inspire d’un modèle trouvé grâce à Google (en bas à gauche). Elle est réalisée à l’aide de techniques d’imagerie digitale (en bas au centre), malgré la présence de fenêtres stéréotypées inappropriées qui subsistent dans le résultat final (en bas à droite).
Cette hyper-restauration affecte, elle aussi, l’iconographie et l’histoire du grand retable.