L’architecture
A part les deux ensembles architecturaux qu’on peut voir dans l’illustration qui suit, la surface de la plupart des autres bâtiments a été grattée au scalpel au cours de cette restauration. De manière générale on voit que la couche qui est mise à nu, comporte de plus nombreux bâtiments. Ils sont généralement de couleurs vives et leurs fenêtres sont stéréotypées. L’enlèvement du ‘surpeint’ met à jour une nouvelle architecture très différente. Cinq nouveaux bâtiments font surface. La plupart sont très endommagés et vont nécessiter une ‘reconstruction’. En particulier certaines tours semblent avoir été endommagées par un grattage intentionnel, cette fois-ci à une époque ancienne, au profit d’une nouvelle configuration de l’horizon (celle du ‘surpeint’ disparu). Autre particularité, avant restauration, un camaïeu de bleu, de gris et de parme couvrait les bâtiments qui étaient en recul, et les camaïeux procuraient de la profondeur aux bâtiments. Ces camaïeux ont été enlevés par les restauratrices de la phase 2. Avant restauration de fins fenestrages étaient peints dans les grandes ouvertures : ces fenestrages ont été enlevés également.
On pourrait tenter l’explication suivante. La première version de l’architecture (celle d’Hubert ?) était colorée, archaïque et peuplée de nombreuses tours. Les fenêtres étaient rectangulaires, simples et stéréotypées. Est venu un second stade (celui de Jan ? celui qu’on vient d’enlever ?). Plusieurs tours archaïques sont surpeintes. Les couleurs vives sont volontairement nuancées de fins camaïeux bleu gris et parme pour les architectures lointaines. Le château ‘Cortewalle’ est ajouté sur une prairie bleutée, sans version colorée en dessous. Bleutée également : la chapelle mais celle-ci recouvre un dégât . Pas de version colorée sous cette chapelle. Elle est néanmoins antérieure à Coxcie, donc très ancienne. Les restaurateurs l’enlèveront pour mettre là une rivière. Nous y reviendrons.
Fig.: deux détails sont considérés par les restaurateurs comme ‘non surpeints’ et les restaurateurs n’y ont pas touché. Le bâtiment à gauche semble plus raffiné que celui à droite ; il est possible que ces bâtiments soient d’Hubert, avec des corrections et détails ajoutés par Jan pour l’ensemble à gauche. Toutes les surfaces picturales des autres architectures ont été grattées au scalpel pour mettre à nu la couche sous-jacente. Ce qui a disparu est souvent un surpeint bleu comportant des modernisations architecturales et un camaïeu dans les tons bleus, gris ou parme qui visant à évoquer des lointains.
Fig.: en haut à gauche: de fins fenestrages gothiques ornent les hautes fenêtres et le portail d’une église. Au milieu et à droite : les fins détails ont été enlevés. Pourquoi les avoir grattés? De nombreux rayons (émanant de la colombe) ont disparu également.
En bas à gauche: ici également de fins fenestrages gothiques ornaient les grandes baies avant restauration . En bas à droite : après restauration le dégât est important. Les fins détails ont disparu
Les détails qu’on a enlevés étaient d’une qualité comparable à ceux qui figurent ci-dessous, l’un dans la vue de la ville à gauche, dans l’Adoration et l’autre sur le volet de Chevaliers du Christ. Il n’y a pas de doute que c’est la finition de Jan qui a été enlevée.
Fig.: fins détails de la main de Jan Van Eyck, en haut : dans l’Adoration de l’Agneau, détail de la ville à gauche. Des pentimenti évoquent le travail de Jan (peut-être peints par Jan au-dessus d’un projet d’Hubert ?). En bas: fin détail du volet avec les Chevaliers du Christ peint par Jan. Il n’y a pas de doute que dans les images précédentes, c’est la finition de Jan qui a été enlevée au scalpel.
Fig.: à gauche, avant restauration : une partie de l’architecture était recouverte de couleur bleue. Le bleu servait à repousser certaines architectures vers les lointains pour créer de la profondeur. L’architecture mise à nu est très différente, vive en couleurs et archaïque. Au milieu: pendant r. : une tour a l’air d’avoir été ‘grattée’ volontairement avant d’être recouverte, à une époque ancienne. A droite : l’architecture est retouchée, et la tour reconstituée. La reconstitution est peu réussie et s’apparente à une hyper-restauration.
Fig.: une peinture conservée à Rotterdam représente une architecture vive en couleurs avec des fenêtres stéréotypées. A l’arrière-plan sont représentées des montagnes aux sommets enneigés. Le résultat est archaïque comparé au travail de Jan Van Eyck. Mais il se rapproche de l’architecture vive en couleurs que les restaurateurs ont dégagée (version d’Hubert ?).
Fig.: à g.: l’architecture est partiellement surpeinte en bleu (par Jan?) pour créer de la profondeur et des lointains. A droite: Coxcie copie la version avec les lointains bleutés. Au centre. : les restaurateurs ont enlevé la couche bleue pour retourner à la version colorée (d’Hubert ?).
Fig.: haut : les restaurateurs décrivent qu’ils ont enlevé un ‘camaïeu’ de bleu, gris et parme sur certains bâtiments. Cette décision fut prise à l’insu du comité national. Notons qu’au stade ‘bleuté’, les fenêtres hautes avaient été corrigées vers plus de réalisme. La correction avait probablement été réalisée par Jan. Bas : la tour dite ‘d’Utrecht’ était également recouverte d’un glacis bleu qui allait de pair avec des modifications dans les grandes ouvertures. Les restaurateurs estiment que la tour n’est pas un ajout de Jan Van Scorel, comme on l’a souvent pensé.
Fig.: au-dessus : le peintre (Jan?) de l’état avant restauration, qui avait rendu les lointains bleutés, avait également supprimé 5 bâtiments hauts en couleurs. Les restaurateurs qui retournent à la situation sous-jacente, se trouvent confrontés à certains bâtiments très usés, pour lesquels ils vont devoir faire une ‘reconstitution’.